Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle est un mode de rupture amiable du contrat à durée indéterminée (CDI), instauré par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 et codifié aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail. Elle permet à l’employeur et au salarié de convenir des modalités de la séparation, tout en garantissant certaines protections, notamment l’accès aux allocations chômage sous conditions.
La Cour de cassation rappelle que la rupture conventionnelle est le seul mode de rupture amiable du CDI, excluant ainsi toute autre forme d’accord informel (Cass. soc., 15 oct. 2014, n° 11-22.251).
Qui peut faire une rupture conventionnelle ?
- Seuls les salariés en CDI sont concernés.
- Elle ne peut être imposée unilatéralement par l’une des parties.
Les interdictions
- La rupture conventionnelle est impossible en cas de fraude, vice du consentement ou contrainte :
- La rupture est irrégulière si le salarié n’était pas dans un état de sérénité suffisante ni d’aptitude pleine et entière pour négocier cette rupture. En l’espèce, le salarié souffrait d’une tumeur cérébrale avec altération de ses facultés mentales de nature à vicier son consentement (Cass. soc., 16 mai 2018, n° 16-25.852).
- Elle ne peut pas être utilisée pour contourner les obligations en matière de licenciement économique collectif (Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 20-11.962).
Cas particuliers
- L’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture (Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-23.942) ;
- Si le salarié est titulaire d’un mandat qui lui confère une protection en cas de rupture du contrat de travail. La procédure d’homologation est remplacée par une procédure d’autorisation de la rupture conventionnelle. (C. trav., L. 1237-15).
La rupture conventionnelle peut intervenir en cas de suspension du contrat de travail :
- la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297)
- les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre de son congé de maternité, ainsi que pendant la période de protection suivant l’expiration de ces périodes (Cass. soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149).
La procédure de rupture conventionnelle
Convention de rupture conventionnelle
Les demandes d’homologation d’une rupture conventionnelles doivent être réalisées par téléservice ( www.telerc.travail.gouv.fr ). Les directions départementales ne traitent plus les formulaires papiers adressés par courrier, sauf cas particuliers.
1. Entretiens préalables
L’employeur et le salarié doivent se rencontrer lors d’un ou plusieurs entretiens (C. trav., L. 1237-12). Aucun formalisme n’est requis pour la tenue du ou des entretiens ; aucune convocation écrite n’est exigée mais elle est vivement conseillée à titre probatoire.
Attention : Le défaut du ou des entretiens prévus entraîne la nullité de la convention.
Aucun délai minimal n’est imposé entre la convocation et l’entretien (Cass. soc., 3 juill. 2013, n° 12-19.268), mais il est conseillé de formaliser l’invitation par écrit. le respect d’un délai de 5 jours ouvrables est préconisé entre la date de remise en main propre contre décharge ou de première présentation du courrier de convocation et la date de l’entretien est préconisé.
La signature de la convention peut intervenir le même jour que l’entretien de négociation si elle intervient après la tenue de celui-ci (Cass. soc., 13 mars 2024, n° 22-10.551).
Assistance du salarié
Le salarié peut se faire assister :
- en présence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise : par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
- en l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise :
- soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise,
- soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. Cette liste est consultable dans chaque section d’inspection du travail et dans chaque mairie.
Assistance de l’employeur
L’employeur peut se faire assister :
- par une personne appartenant au personnel de l’entreprise ;
- ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés :
- soit par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs,
- soit par un autre employeur relevant de la même branche.
Attention : L’employeur ne peut, en principe, se faire assister que si le salarié est assisté. Néanmoins, un déséquilibre dans l’assistance des parties ne remet pas en cause la validité de la rupture conventionnelle en l’absence de contrainte ou de pression à l’encontre du salarié qui s’est présenté seul à l’entretien. (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-10.901)
2. Signature de la convention
- La convention doit préciser la date de rupture et le montant de l’indemnisation.
- Elle doit être établie en 3 exemplaires : un pour le salarié, un pour l’employeur et un pour l’administration).
Si les parties le souhaitent, le formulaire peut être complété :
- soit par une convention de rupture ad hoc ;
- soit par un document explicitant les points d’accord de volonté des parties dans le cadre de la rupture.
3. Délai de rétractation
- Un délai de rétractation de 15 jours calendaires s’applique (C. trav., L. 1237-13).
Le délai, de 15 jours calendaires, part à compter de la date de signature.
- Il doit être respecté sous peine de nullité de la convention.
Il commence à courir au lendemain de la date de signature. Si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant (C. trav., art. R. 1231-1).
Chaque partie peut exercer son droit de rétractation jusqu’au 15e jour à minuit, peu importe la date de réception de la lettre par l’autre partie (Cass. soc., 14 févr. 2018, n° 17-10.035).
La rétractation n’a pas à être motivée, elle doit être notifiée par lettre remise en main propre contre décharge ou envoi recommandé avec AR.
4. Homologation par la DREETS
- Une demande d’homologation est adressée à la DREETS via le portail www.telerc.travail.gouv.fr.
Cette demande est adressée au plus tôt le lendemain de l’expiration du délai de rétractation par la partie la plus diligente, sous peine que l’Administration refuse d’homologuer la rupture conventionnelle (Cass. soc., 14 janv. 2016, n° 14-26.220).
- L’administration dispose de 15 jours ouvrables pour valider ou refuser la demande (C. trav., L. 1237-14).
L’Administration vérifie :
- le libre consentement des parties ;
- l’indemnité spécifique de rupture ;
- le respect du délai de rétractation ;
- la cohérence de la date de la rupture conventionnelle par rapport aux délais de procédure.
Il peut s’agir d’une décision :
- explicite d’homologation ou de refus d’homologation. L’administration notifie sa décision et le refus doit être motivé ;
- implicite : ici le silence de l’administration vaut homologation tacite.
À l’issue du délai d’homologation, des attestations d’homologation sont mises à disposition des parties sur le site www.telerc.travail.gouv.fr .
5. Rupture du contrat
Sous réserve de l’homologation, la rupture du contrat de travail interviendra à la date fixée dans la convention.
À la date de rupture du contrat, le salarié percevra :
- les salaires dus à la date de rupture du contrat ;
- l’indemnité compensatrice de congés payés ;
- l’indemnité spécifique de rupture.
Il sera remis au salarié :
- un reçu pour solde de tout compte ;
- un certificat de travail ;
- l’attestation France Travail ;
- le cas échéant, les documents relatifs à la portabilité de la prévoyance (couvertures complémentaires « santé » et « prévoyance »).
Attention : L’envoi des documents de fin de contrat avant la décision d’homologation s’analyse en un licenciement sans cause réelle, ni sérieuse.
Comment négocier sa rupture conventionnelle ?
« Mon employeur refuse la rupture conventionnelle : comment le convaincre ? »
Beaucoup de salariés se demandent comment forcer leur employeur à accepter une rupture conventionnelle. Il est important de noter qu’aucune contrainte ne peut être exercée légalement, mais certaines stratégies peuvent amener l’employeur à considérer cette option comme avantageuse.
Les points à négocier
- Indemnité de rupture : L’indemnité légale ou conventionnelle est un minimum, mais vous pouvez négocier une somme plus élevée selon les leviers de négociation à votre portée.
Pour le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle, il devra être tenu compte des éléments suivants : contrat de travail et ses avenants ; documents justifiant la rémunération et l’ancienneté du salarié ; 12 derniers bulletins de salaire ; dispositions conventionnelles applicables le cas échéant.
- Date de départ : Elle peut être négociée pour vous permettre de préparer votre départ, de trouver un nouvel emploi.
- Préavis : La durée du préavis est généralement fixée par la loi ou la convention collective, mais elle peut être réduite ou supprimée d’un commun accord.
- Formation : Vous pouvez négocier une formation pour faciliter votre retour à l’emploi.
- Portabilité de la prévoyance et du complémentaire santé : Vous pouvez demander à conserver ces couvertures pendant une certaine durée après votre départ.
- Clause de non-concurrence : Si une telle clause existe dans votre contrat, vous pouvez négocier sa levée.
- Autres avantages : Il est possible de négocier le maintien du véhicule de fonction, le matériel professionnel, la prise en charge des frais de déménagement…
Les leviers de négociation
- L’ancienneté : Plus votre ancienneté est importante, plus vous avez de poids dans la négociation.
- Le salaire de référence : Un salaire élevé peut justifier une indemnité de départ plus importante.
- Une situation personnelle : Des difficultés personnelles (chômage du conjoint, maladie, etc.) peuvent être un argument pour obtenir une indemnité plus élevée.
- Le contexte de la rupture : Si la rupture est à l’initiative de l’employeur, vous avez plus de chances de négocier favorablement.
- Les manquements de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail qui pourraient faire l’objet d’un contentieux prud’hommal :
- Non-respect des obligations contractuelles : retards de salaire, des changements de fonctions non justifiés…
- Harcèlement moral ou discrimination
- Non-respect des règles de sécurité
Coût de la procédure
- Indemnité spécifique de rupture conventionnelle
- Contribution patronale : L’employeur doit verser une contribution patronale de 30% sur la part de l’indemnité de rupture conventionnelle exonérée de cotisations sociales.
Sort Fiscal et Social de l’Indemnité
- Régime fiscal : L’indemnité est en principe exonérée d’impôt sur le revenu.
- Cotisations sociales :
- Exonération pour la part exonérée d’impôt sur le revenu, dans la limite de 2 PASS ;
- Exception : indemnités > 10 PASS soumises dès le 1er Euro (ou 5 fois le PASS en cas de cumul avec des indemnités de rupture du mandat social) ;
- CSG/CRDS : L’indemnité est soumise à CSG/CRDS dans les mêmes conditions que les cotisations sociales.
- Exonération à hauteur du plus faible des 2 seuils suivants :
- le montant spécifique d’indemnité prévu pour ce motif de rupture ou, en l’absence d’un tel montant, le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- le montant non soumis aux cotisations sociales.
- Exception : indemnités > 10 PASS soumises dès le 1er Euro (ou 5 fois le PASS en cas de cumul avec des indemnités de rupture du mandat social)
- Exonération à hauteur du plus faible des 2 seuils suivants :
En 2025, le PASS est de 47 100 €.
La signature d’une transaction
Un employeur et un salarié ayant signé une convention de rupture ne peuvent valablement conclure une transaction que :
- si celle-ci intervient après l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative ou, s’agissant d’un salarié protégé, après la notification aux parties de l’autorisation, par l’inspecteur du travail, de la rupture conventionnelle ;
- et si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21.136).
A savoir : En pratique; il est très fréquent que la rupture conventionnelle soit suivie de la signature d’une transaction.
Comment contester une rupture conventionnelle ?
Conseil de prud’hommes
Les litiges concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relèvent de la compétence du conseil de prud’hommes à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif.
Le recours doit être formé avant l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention.
Attention : Lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une rupture conventionnelle annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse imposant la restitution des sommes perçues en exécution de cette celle-ci(Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-15.273).
Causes de nullité de la rupture: les vices du consentement
Les vices du consentement sont l’erreur, le dol et la violence (article 1130 du code civil).
L’existence d’un vice du consentement relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. soc., 16 sept. 2015, n° 14-13.830).
Charge de la preuve
Celui qui invoque la nullité doit rapporter la preuve d’un vice du consentement (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-25.313)
- Le salarié doit prouver que le harcèlement a affecté son consentement et qu’il n’aurait pas contracté sans les manœuvres invoquées (Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550).
Exemples de nullité d’une rupture conventionnelle pour vice du consentement retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation :
- Si le salarié, au moment de la signature, est dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral (Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 11-22.332)
- Si l’employeur précise au salarié qu’il bénéficiera, après la rupture, de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, pour finalement l’en délier une fois l’homologation de la rupture obtenue (Cass. soc., 9 juin 2015, n° 14-10.192) ;
- Si l’employeur dissimule au salarié l’existence, à la date de conclusion de la convention de rupture, d’un PSE en cours de préparation, prévoyant la suppression de son poste, et cette dissimulation est déterminante du consentement du salarié (Cass. soc., 6 janv. 2021, n° 19-18.549).
L’employeur a le droit d’invoquer un vice du consentement :
- Par exemple en raison de la dissimulation par le salarié de faits qui auraient justifié son licenciement pour faute grave (CA Metz, ch. soc., 6 mai 2013, n° 11/01105).
faq
Questions fréquentes
Comment s’articule la rupture conventionnelle avec un licenciement ?
La signature d’une rupture conventionnelle après un licenciement vaut renonciation au licenciement. (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-20.549). Autrement dit, une rupture conventionnelle peut valablement être conclue après notification d’un licenciement avec dispense de préavis.
La rupture conventionnelle peut-elle être conclue pendant un arrêt maladie ?
Oui, mais avec des précautions. La Cour de cassation a jugé qu’une rupture conventionnelle signée pendant un arrêt maladie est valide, sauf si le salarié prouve que son consentement était vicié (ex. : pression, état de faiblesse) (Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297). Cependant, si l’arrêt est dû à un accident du travail ou une maladie professionnelle, la rupture conventionnelle peut être contestée (Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767).
La rupture conventionnelle permet-elle de percevoir le chômage immédiatement ?
Le salarié doit s’inscrire auprès de France Travail et remplir les conditions pour percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE). Si les conditions sont remplies, le salarié percevra l’allocation chômage après un délai d’attente de 7 jours systématique pour toute ouverture de droits. De plus, des éventuels différés d’indemnisation liés aux indemnités perçues lors de la rupture du contrat (indemnité de rupture conventionnelle, indemnité de congés payés…) peuvent s’appliquer et retarder le bénéfice du l’allocation chômage.
Une transaction est-elle possible après une rupture conventionnelle ?
Oui, mais sous conditions. Une transaction après rupture conventionnelle est possible uniquement pour régler des différends n’ayant pas été abordés dans la convention de rupture (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21.136).
Si elle porte sur la validité de la rupture, elle est nulle de plein droit.
Besoin d’assistance dans une rupture conventionnelle ?
Un accompagnement par un avocat est vivement recommandé pour faire valoir vos intérêts.
Laisser un commentaire