Intégration de l’intelligence artificielle (IA) en entreprise

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Obligations légales et bonnes pratiques pour les Employeurs en 2025

Un salarié sur quatre (22%) a déjà utilisé un outil d’IA dans le cadre professionnel. Sur ces 22%, plus de la moitié ont utilisé l’IA sans en informer leur responsable hiérarchique (Étude IFOP pour LearnThings du 21 décembre 2023 au 3 janvier 2024).

L’intelligence artificielle (IA) transforme le monde du travail, offrant aux entreprises des opportunités d’optimisation et d’automatisation. L’IA révolutionne la prise de décision au travail en augmentant les capacités humaines, en améliorant l’analyse des données, en permettant l’analyse prévisionnelle, en rationalisant les processus et en offrant un soutien personnalisé.

Cependant, son intégration soulève des enjeux légaux et éthiques auxquels les employeurs doivent prêter une attention particulière. Cet article explore les obligations juridiques et les meilleures pratiques pour une adoption conforme et efficace de l’IA en entreprise.

Réglementations nationales et européennes

L’Union européenne encadre l’utilisation de l’IA à travers des réglementations telles que l’AI Act, visant à garantir une utilisation éthique et transparente. En France, plusieurs lois sur la protection des données et le droit du travail s’appliquent également.

Obligations spécifiques pour les employeurs

Les entreprises doivent notamment :

  • Informer les salariés de l’utilisation de systèmes automatisés pour la prise de décision,
  • Respecter les droits des salariés en matière de transparence et d’explicabilité des algorithmes,
  • S’assurer que les systèmes d’IA n’entraînent pas de discrimination ou de biais.

Modification des contrats de travail

L’intégration de l’IA peut modifier les conditions de travail, notamment en automatisant certaines tâches. Les employeurs doivent adapter les contrats et consulter les instances représentatives du personnel avant toute modification significative.

Formation et adaptation des compétences

Pour garantir une transition harmonieuse, il est essentiel d’investir dans la formation des salariés afin de développer leurs compétences face aux nouvelles technologies.

L’IA peut jouer un rôle essentiel dans la prévention des risques :

  • Automatiser la surveillance des conditions de travail (qualité de l’air, bruit, ergonomie des postes),
  • Détecter les signaux de détresse psychologique à travers l’analyse des comportements ou de questionnaires anonymes,
  • Prévenir les accidents grâce à des systèmes d’alerte intelligents,
  • Contribuer à l’élaboration du DUERP (Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels) pour une meilleure anticipation des risques.

L’intégration de l’IA dans l’entreprise nécessite un dialogue social structuré. En l’absence de disposition contraire du droit du travail et au regard de l’impact de l’IA sur l’entreprise, l’introduction de nouvelles technologies requiert une information-consultation préalable du Comité Social et Économique (CSE).

Selon l’article L. 2312-8 du Code du travail, le CSE doit être consulté et informé sur les sujets relatifs à l’organisation, à la gestion et au fonctionnement général de l’entreprise, notamment lorsqu’il s’agit d’introduire de nouvelles technologies ou d’effectuer des modifications significatives pouvant impacter la santé, la sécurité et les conditions de travail des salariés.

Le Code du travail ne fournit pas de définition précise de ce qu’il entend par « nouvelles technologies ». Toutefois, la circulaire DRT n° 12 du 30 novembre 1984 préconise une interprétation large du terme. Ainsi, toute évolution impliquant une automatisation, une informatisation ou une robotisation des procédés de gestion, de fabrication ou de production peut être considérée comme une nouvelle technologie, même si elle n’est pas inédite à l’échelle mondiale, mais simplement nouvelle pour l’entreprise concernée. L’intégration de l’IA pourrait répondre à cette définition.

Néanmoins, l’adoption d’une nouvelle technologie ne requiert pas systématiquement une consultation du CSE. Seuls les projets présentant un impact significatif justifient cette procédure.

Pour déterminer si une consultation du CSE est nécessaire, les juges s’appuient sur 3 critères principaux :

  • L’ampleur des répercussions sur les conditions de travail, notamment en ce qui concerne les horaires, la répartition des tâches, les responsabilités attribuées, la formation nécessaire et l’usage accru des outils numériques ;
  • Le nombre de salariés directement concernés par la mise en place de la technologie ;
  • La pérennité du changement apporté.

Il a notamment été jugé que la mise en place d’un système informatique plus performant ayant des répercussions sur 600 postes et nécessitant une formation spécifique a été considérée comme un projet suffisamment conséquent pour exiger une consultation préalable du CSE (Cass. soc., 28 oct. 1996, n° 94-15.914).

Selon l’OCDE, parmi les employeurs ayant adopté l’IA au sein de leur entreprise, une minorité a consulté les représentants du personnel avant leur mise en place.

En outre, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GEPP)  (C. trav., art. L. 2242-20) devient un outil clé pour anticiper les mutations professionnelles liées à l’IA, en intégrant des plans d’adaptation des compétences et des formations dédiées.

Conformité au RGPD

L’utilisation de l’IA implique souvent la collecte et l’analyse de données personnelles. L’employeur doit veiller à respecter le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en mettant en place des mesures de sécurité appropriées.

Mesures de protection

  • Anonymisation des données lorsque cela est possible,
  • Mise en place de politiques claires sur l’utilisation des données,
  • Audit régulier des systèmes IA pour garantir la conformité.

Principes éthiques

L’intégration de l’IA doit respecter des principes d’équité, de transparence et de non-discrimination. Il est essentiel de s’assurer que les décisions automatisées ne défavorisent pas certains groupes de salariés.

Impact environnemental

L’IA peut aider à lutter contre le changement climatique toutefois une vigilance particulière doit être apportée car son empreinte écologique est préoccupante.

Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a adopté un avis le 24 septembre 2024 avec 6 préconisations :

  • Formation : intégrer dans les programmes les exigences d’éco-conception et d’usage frugal (qui épargne les ressources) pour les algorithmes d’IA ;
  • Recherche : concentrer les financements publics de recherche et d’innovation sur les IA à finalité directement environnementale ;
  • Évaluation : exiger des entreprises concernées la transparence sur la consommation des ressources par l’IA et construire un référentiel d’évaluation ;
  • Sensibilisation : lancer une campagne d’information auprès des utilisateurs afin de développer leurs connaissances sur l’empreinte environnementale des IA ;
  • Éco-conception : intégrer systématiquement les démarches d’écoconception des équipements électroniques, notamment des terminaux ;
  • Artificialisation : construire les centres de données sur des surfaces déjà artificialisées et récupérer la chaleur que ces centres émettent.

Responsabilité de l’employeur

En cas d’erreur ou de biais dans les décisions prises par l’IA, et en l’absence de régime de responsabilité spécifique, la responsabilité de l’employeur pourrait être engagée. Il est recommandé de définir des procédures de vérification humaine et d’ajuster les systèmes IA en fonction des retours d’expérience.

Conclusion

L’IA offre des opportunités majeures pour les employeurs, mais son utilisation doit se faire dans un cadre juridique et éthique strict. La mise en place d’un contrôle humain rigoureux et d’un dialogue social structuré est essentielle pour prévenir les dérives et garantir une adoption responsable de l’IA dans le monde du travail. En intégrant ces pratiques, les entreprises pourront exploiter les bénéfices de l’IA tout en respectant les exigences réglementaires et sociétales.

Pour aller plus loin : quelques entreprises dans l’intelligence artificielle côté en bourse Google (Alphabet), C3.ai , Microsoft (OpenAI, OpenAI Sora, Copilot), NVIDIA , AMD , Qualcomm

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