Mentir sur son CV : quelles sanctions juridiques et quelles conséquences sur l’emploi ?

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Savez-vous que 1 candidat sur 3 admet avoir menti sur son CV ? Dans un contexte où le marché de l’emploi est particulièrement compétitif, certains candidats peuvent être tentés d’arranger la vérité sur leur CV. Pourtant, ce type de mensonge peut entraîner des conséquences graves. En tant qu’avocate en droit du travail, je vous explique, exemples concrets à l’appui, ce que vous risquez réellement.

Mentir sur son CV peut justifier un licenciement : la confiance au cœur du contrat de travail

Le droit du travail repose sur la confiance et la loyauté entre l’employeur et le salarié. Si un mensonge sur le CV est découvert et qu’il a eu un rôle déterminant dans la décision d’embauche, il peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave.

Exemple récent : La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 4 novembre 2021, n° 18/09904) a validé le licenciement d’une salariée qui avait caché un précédent emploi problématique au sein du même groupe et modifié son identité. Ces dissimulations ont empêché l’employeur de vérifier son parcours et ont été jugées déterminantes dans l’embauche.

Un autre exemple parlant : Un salarié embauché comme auditeur bancaire avait inventé un BTS de comptabilité et des formations CNAM inexistantes. Son licenciement a été validé par la Cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 25 juin 2010, n° 09/06376), l’honnêteté et la loyauté étant indispensables dans une fonction de contrôle.

Autre cas fréquent : Un directeur régional des ventes avait menti sur une expérience dans une société spécialisée. La Cour de cassation a confirmé son licenciement pour faute grave (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-21521), cette expérience fictive ayant été déterminante lors de son recrutement.

En revanche, il a récemment été jugé que l’employeur ne peut pas se prévaloir de sa propre négligence pour fonder le licenciement d’une salariée sans diplôme depuis dix ans. Pour la Cour de cassation, il appartenait à l’employeur de vérifier les diplômes obtenus par la salariée préparatrice en pharmacie au moment de son embauche, d’autant que les justificatifs sont rendus obligatoires pour l’exercice d’une telle activité. La Chambre sociale sanctionne donc l’employeur puisque ce dernier ne pouvait se prévaloir de sa propre négligence pour fonder le licenciement pour faute grave de la salariée. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 mars 2025, 23-21.414, Inédit)

La nullité du contrat de travail pour dol

Cette section explique également ce que cela signifie concrètement pour le salarié : la nullité du contrat produit des effets rétroactifs, comme si le contrat n’avait jamais existé, et peut entraîner le remboursement d’avantages indus perçus et la perte du droit à toute indemnité de rupture.

En droit civil, l’article 1137 du Code civil prévoit que le dol est un vice du consentement permettant d’annuler un contrat lorsque les manœuvres pratiquées sont telles que, sans elles, l’autre partie n’aurait pas contracté.

La Cour de cassation a rappelé ce principe en droit du travail :

  • Cass. soc., 30 mars 1999, n° 96-42.912 : la fourniture de renseignements inexacts par un salarié lors de l’embauche n’entraîne la nullité du contrat que si ces manœuvres constituent un dol. Mais cela peut aussi justifier un licenciement lorsque le salarié ne possède pas les compétences réelles pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté.
  • Cass. soc., 17 octobre 1995, n° 94-41.239 : la Haute juridiction a validé le licenciement d’un salarié qui s’était faussement prévalu d’un DESS et d’une formation en école de commerce. Ces fausses informations ont été considérées comme déterminantes dans la décision d’embauche.

Concrètement, la nullité du contrat entraîne la disparition rétroactive du contrat, comme s’il n’avait jamais existé, et peut entraîner des conséquences lourdes pour le salarié (remboursement d’avantages indus, impossibilité de réclamer des indemnités de rupture, etc.).

Quels sont les mensonges les plus fréquents sur un CV ?

  • Gonfler la durée d’une expérience professionnelle.
  • Omettre des périodes d’inactivité.
  • Mentionner des diplômes non obtenus (par exemple, présenter un DEUG comme un Master).
  • Exagérer son niveau en langues étrangères.
  • Modifier son âge ou embellir ses missions.

Si ces falsifications ont joué un rôle déterminant dans l’embauche, elles peuvent légitimement être sanctionnées.

Le risque pénal pour certaines professions

Dans les professions réglementées (médecins, avocats, experts-comptables…), mentir sur ses diplômes ou son expérience peut relever du faux et usage de faux, ou de l’exercice illégal d’une profession.

Par exemple, l’exercice illégal de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Si l’infraction est commise par l’utilisation de support numérique, les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. (Code de la santé publique, article L4161-5)

De plus, l’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. (Code pénal, art 433-17)

La bonne foi doit être réciproque

L’article L.1221-6 du Code du travail impose au candidat de répondre de bonne foi aux questions posées par le recruteur. L’employeur, de son côté, a non seulement le droit mais aussi le devoir de vérifier les informations communiquées lors du processus de recrutement.

Cette partie peut être renforcée par un conseil pratique destiné aux employeurs : pensez à vérifier systématiquement les diplômes et expériences avant toute embauche pour éviter toute mauvaise surprise.

La jurisprudence rappelle également que la loyauté est une obligation partagée. Un employeur ne peut pas licencier un salarié en prétextant une absence de diplôme s’il était parfaitement informé de cette situation au moment de l’embauche (Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-44062). Mon conseil aux employeurs : vérifiez systématiquement les diplômes et références avant l’embauche.

En résumé : pour les lecteurs pressés

Mensonge sur le CVConséquences possibles
Fausse expérience ou faux diplôme déterminants pour l’embaucheLicenciement pour cause réelle et sérieuse, voire faute grave
Manœuvres dolosives ayant trompé l’employeur lors du recrutementNullité du contrat de travail pour dol
Falsification dans une profession réglementéePoursuites pénales

Ce tableau synthétique vous aide à comprendre rapidement les risques encourus.

Conclusion

Pour conclure sur une note rassurante, mieux vaut être transparent et bien accompagné plutôt que de prendre des risques inutiles.

Mentir sur son CV peut paraître anodin… jusqu’à ce que cela soit découvert. La relation de travail repose sur la confiance et la loyauté. Si vous avez un doute ou si vous êtes confronté à une difficulté liée à un mensonge découvert, que vous soyez salarié ou employeur, n’hésitez pas à me contacter. Je peux vous accompagner pour sécuriser vos pratiques ou défendre vos intérêts devant les juridictions compétentes.

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