Quelle est la procédure à suivre par un employeur lorsque le salarié commet une faute grave ?
Le licenciement pour faute grave est une procédure disciplinaire lourde de conséquences, tant pour le salarié que pour l’employeur. Ce type de licenciement, justifié par des faits rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, nécessite de respecter des étapes précises et d’éviter tout écueil juridique. Dans cet article, je vous propose un guide pour sécuriser cette procédure.
1. Qu’est-ce qu’une faute grave ?
La faute grave se caractérise par un comportement du salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise, même temporairement. Elle justifie :
- Une rupture immédiate du contrat sans préavis ;
- Une mise à pied conservatoire le temps de la procédure.
Exemples de fautes graves reconnues par la jurisprudence :
- Abandon de poste sans justification (Cass. soc., 22 mars 2017, n° 15-23.090) ;
- Insubordination caractérisée ;
- Violences physiques ou verbales envers un collègue ou un supérieur (Cass. soc., 6 oct. 2011, n° 10-30.091) ;
- Vol ou fraude au sein de l’entreprise.
Attention aux motifs illicites
Le licenciement ne peut être fondé sur des motifs discriminatoires (C. trav., art. L. 1132-1) ou une atteinte à une liberté fondamentale, comme la dénonciation de faits d’infraction (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-11.310).
2. Les étapes de la procédure de licenciement pour faute grave
Réunion des éléments de preuve
Avant toute démarche, l’employeur doit constituer un dossier solide comprenant :
- Des témoignages ;
- Des preuves écrites ou électroniques (emails, rapports) ;
- Tout élément permettant d’établir la réalité des faits reprochés.
Convocation à un entretien préalable
- La convocation doit être envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou remise en main propre contre signature.
- Elle doit préciser :
- L’objet de l’entretien (licenciement envisagé) ;
- La date, l’heure et le lieu de l’entretien ;
- La possibilité pour le salarié de se faire assister (C. trav., art. L. 1232-2).
Délai : L’entretien doit se tenir au moins cinq jours ouvrables après la réception de la convocation (Cass. soc., 13 déc. 2000, n° 98-43.809).
Déroulement de l’entretien préalable
L’employeur expose les motifs du licenciement envisagé, et le salarié peut présenter ses arguments ou explications. Cet entretien doit être un véritable échange, respectant le droit de défense du salarié.
Notification de la mise à pied conservatoire (si applicable)
La mise à pied conservatoire peut être notifiée immédiatement pour dispenser le salarié de toute activité pendant la procédure.
Notification du licenciement
La lettre de licenciement fixe les limites du litige (Cass. soc., 3 juin 2009, n° 07-44.488).
- Elle doit contenir :
- Les motifs précis du licenciement ;
- La référence à l’éventuelle mise à pied conservatoire.
Délai : La notification doit intervenir au moins deux jours ouvrables après l’entretien et au plus tard dans le mois suivant (C. trav., art. L. 1232-6).
3. Chômage et licenciement pour faute grave
Contrairement à une idée reçue, un licenciement pour faute grave n’entraîne pas une privation automatique des droits au chômage. Le salarié licencié pour faute grave reste éligible aux allocations chômage sous réserve de remplir les conditions générales d’accès à ces droits, notamment :
- Avoir suffisamment cotisé (au moins 6 mois au cours des 24 derniers mois) ;
- Être inscrit comme demandeur d’emploi ;
- Être en recherche active d’emploi.
Cependant, la faute lourde, qui implique une intention de nuire, pourrait justifier une exclusion des droits au chômage, bien que cette situation soit rare et soumise à l’appréciation de France Travail (Ex-Pôle emploi).
4. Les risques en cas d’irrégularité
Conséquences d’une procédure irrégulière
- Indemnisation pour vice de forme : Une irrégularité de procédure ouvre droit à une indemnisation pouvant aller jusqu’à un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2).
- Requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse : Le salarié peut obtenir des dommages-intérêts conformément au barème Macron (C. trav., art. L. 1235-3).
Sanctions en cas de motif illicite
Un licenciement discriminatoire ou portant atteinte à une liberté fondamentale peut être déclaré nul. Le salarié peut alors obtenir sa réintégration ou des dommages-intérêts sans plafond (Cass. soc., 27 nov. 2019, n° 18-15.195).
5. Conseils pratiques pour les employeurs
- Constituer un dossier solide : Réunissez toutes les preuves nécessaires avant de démarrer la procédure.
- Respecter scrupuleusement la procédure : Tout vice de forme peut être préjudiciable.
- Adapter la procédure au statut du salarié : Si le salarié est protégé (représentant du personnel, salarié en congé maternité/paternité, etc.), suivez les règles spécifiques applicables.
Laisser un commentaire