Harcèlement Moral au Travail : Reconnaître, Agir et Se Protéger

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Le harcèlement moral au travail est une réalité alarmante qui touche de nombreux salariés en France. J’accompagne à la fois les employeurs et les salariés pour prévenir, identifier et gérer ces situations sensibles. Cet article vise à expliquer clairement ce qu’est le harcèlement moral, quels sont vos droits, et comment réagir.

Qu’est-ce que le harcèlement moral au travail ?

Selon l’article L1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral se caractérise par

« des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ».

Exemples d’agissements constitutifs de harcèlement moral :

  • Humiliations ou critiques répétées devant les collègues.
  • Menaces injustifiées de licenciement ou sanctions disciplinaires abusives.
  • Mise à l’écart volontaire dans les projets d’équipe.
  • Charges de travail excessives ou sous-utilisation des compétences.
  • Ingérences dans la vie privée

Le harcèlement moral peut également se présenter sous des formes collectives, comme le harcèlement managérial (Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 07-45.321) ou institutionnel. Un exemple marquant est celui de l’affaire France Télécom, où des méthodes de gestion toxiques ont conduit à des suicides de salariés. Ce type de harcèlement, souvent lié à une stratégie d’entreprise, est désormais reconnu par la justice (Cass. crim., 21 janvier 2025, n°22-87.145)

Qui peut-être l’auteur du harcèlement ?

Les propos ou comportements constitutifs de harcèlement au travail peuvent être commis par :

Le harcèlement peut être :

  • vertical :
    • descendant : d’une personne en position dominante envers un salarié subordonné ;
    • ascendant : d’une personne subordonnée envers un supérieur hiérarchique, le cas type étant constitué par le refus d’un groupe de salariés d’accepter la promotion ou la nomination d’un nouveau responsable hiérarchique.
  • horizontal : entre des collègues déconnectés de tout rapport hiérarchique.

Le harcèlement moral peut être constitué indépendamment de l’intention de son auteur (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-22.801). La qualification de harcèlement d’une situation de travail n’est donc pas écartée au motif qu’aucune intention malveillante n’animait l’auteur du harcèlement.

Quels sont vos droits en tant que salarié ?

Protection légale contre le harcèlement moral

  • Interdiction du harcèlement moral : L’employeur a une obligation de prévention et doit protéger ses salariés contre tout acte de harcèlement (article L1152-4 du Code du travail).
  • Droit de réagir sans subir de représailles : Toute sanction ou licenciement consécutif à une dénonciation de harcèlement est nul.

Comment prouver le harcèlement moral ? Quelles sont les preuves admises ?

Le salarié doit fournir des éléments de fait laissant supposer un harcèlement. Il revient ensuite à l’employeur de démontrer que ses actions étaient justifiées par des motifs étrangers à tout harcèlement. (article L1154-1 du Code du travail)

Le régime repose sur 3 étapes :

  • le salarié présente des éléments de faits réels, précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement (tel des courriers, attestations, certificats médicaux, tableaux comparatifs…) ;
  • le juge prend en compte l’ensemble de ces éléments, dans leur globalité et non pas un par un en les analysant séparément, et doit dire si l’ensemble de ces faits est de nature à faire présumer un harcèlement ;
  • l’entreprise doit alors prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que les actes et décisions litigieux sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. (Cass. soc., 8 juin 2016, n° 14-13.418).

Il appartient aux juges du fond d’analyser l’ensemble des pièces et des comportements dénoncés afin de conclure à l’existence ou non d’agissements de harcèlement moral (Cass. crim., 7 mai 2018, n° 17-83.889).

  • une cour d’appel procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié viole les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail (Cass. soc., 20 mars 2019, n° 17-27.854).

Attention : Les règles découlant de l’article L. 1154-1 du Code du travail ne sont pas applicables aux procédures disciplinaires engagées par l’employeur (Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-17.393)

Exemples de faits invoqués par le salarié :

  • retrait arbitraire du statut de cadre, stagnation de la rémunération, suppression de primes et d’éléments de salaire, détérioration progressive des conditions de travail (Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 06-45.579) ;
  • privation de la possibilité d’effectuer des heures complémentaires, suppression de primes trimestrielles, changement du « lieu de résidence » de son véhicule et retenues indues de salaire pour intempéries (Cass. soc., 3 juin 2009, n° 07-43.923) ;
  • établissement d’une privation pendant deux ans de la prime sur objectifs et pendant 6 mois d’une partie de l’augmentation de salaire qui lui avait été accordée antérieurement (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-41.746) ;
  • salarié se prévalant d’un propos blessant, d’avoir été laissé sans activité pendant plusieurs mois, et d’avoir fait l’objet d’une procédure de licenciement abandonnée devant le refus de l’administration d’accorder son autorisation (Cass. soc., 2 févr. 2011, n° 09-66.781).
  • retrait non motivé de dossiers, refus de vacances et de formations dénués de toute objectivité, procédure de licenciement motivée par la seule « volonté de nuire », stagnation du niveau de rémunération (Cass. crim., 27 mai 2015, n° 13-85.440)

Comment réagir face à une situation de harcèlement moral ?

1. Identifier et documenter les faits

Il est essentiel de rassembler des preuves :

  • Courriels, SMS ou messages illustrant des comportements inappropriés.
  • Témoignages de collègues ou rapports médicaux prouvant une altération de votre santé.
  • Dates et détails précis des événements.

2. Alerter l’employeur ou les instances compétentes

  • Informez votre hiérarchie ou le service des ressources humaines.
  • En cas de silence de l’employeur, contactez les représentants du personnel (CSE).

3. Saisir les juridictions compétentes

  • Inspection du travail : Vous pouvez signaler les faits pour qu’une enquête soit diligentée.
  • Conseil de prud’hommes : Si aucune solution amiable n’est trouvée, engagez une procédure judiciaire.

Les obligations de l’employeur

Les employeurs doivent prévenir et traiter rapidement tout cas de harcèlement moral. Cela inclut :

  • La mise en place de politiques internes claires.
  • Des formations pour sensibiliser managers et équipes.
  • Une réaction immédiate dès qu’une situation est signalée.

Par ailleurs, l’obligation de sécurité de résultat impose aux employeurs de garantir la santé physique et mentale des salariés. Cette obligation est renforcée par des textes internationaux, tels que la convention n°190 de l’OIT, adoptée pour lutter contre la violence et le harcèlement au travail.

L’employeur manque à son obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité du salarié victime de harcèlement

  • dès lors qu’« en dépit des signalements de la médecine du travail, du CHSCT et des syndicats, l’employeur n’avait entrepris aucune enquête sérieuse et laissé la situation se dégrader » (Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-16.797 ).
  • n’ayant pas pris les mesures suffisantes pour faire cesser le harcèlement tout en observant qu’après une certaine accalmie, le harcèlement s’était intensifié (Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-31.161).

La responsabilité de l’employeur peut être engagée :

  • lorsqu’un salarié est victime sur le lieu du travail d’agissements de harcèlement moral exercés par un autre salarié même si ces faits trouvent leur origine dans la vie privée du salarié (Cass. soc., 8 avr. 2015, n° 14-10.807 )
  • s’il ne prend pas de mesures ou ne diligente pas d’enquête interne après la dénonciation par un salarié d’agissements de harcèlement moral manque à son obligation de sécurité (Cass. soc., 27 nov. 2019, n° 18-10.551).
  • lorsque le salarié dénonce auprès de l’employeur des comportements de harcèlement moral adoptés par l’employeur lui-même mais également par d’autres salariés. Ainsi, ce dernier ne peut invoquer son incapacité à diligenter une enquête (Cass. soc., 15 mai 2019, n° 16-18.853).

Prévention : une responsabilité partagée

Pour éviter les situations de harcèlement moral, il est crucial de cultiver une culture d’entreprise fondée sur le respect et la communication.

Cela passe par :

  • L’adoption d’un règlement intérieur qui prohibe explicitement le harcèlement.
  • La formation des managers aux risques psychosociaux.
  • L’instauration de procédures internes de signalement et de résolution des conflits.

Des indicateurs tels que des taux élevés d’absentéisme, de turnover ou de plaintes récurrentes doivent alerter l’entreprise sur la présence potentielle de risques psychosociaux.

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